Communications urgentes de l'Ordre des Pharmaciens

Alors que le Président de la République estime que sa politique de relance de la compétitivité de l'économie française par le pacte de responsabilité « va marcher » et que notre profession attend les annonces « de redressement » de la semaine prochaine, Mme Isabelle ADENOT, Présidente de l'Ordre des Pharmaciens, vient de publier les communiqués suivants :

La conclusion centrale du rapport IGF est fausse : dans les faits le prix des médicaments à prescription facultative progresse moins vite que l’inflation

La conclusion clé du rapport de l’IGF, s’agissant de la profession de pharmacien d’officine, ne tient pas lorsqu’on le soumet à une vérification basique.
 
L’affirmation principale de ce rapport est que le prix des médicaments non remboursables aurait « explosé » dans les dernières années. De fait sur les 6 milliards de pouvoir d’achat à redonner aux français, 400 millions d’euros seraient captés indûment par les pharmaciens.
Fort heureusement pour les français cette affirmation est fausse, et nous plaçons l’IGF au défi de prouver de façon transparente son affirmation. La méthodologie de l’étude sur l’évolution des prix des médicaments non remboursables, mise en avant par l’IGF, n’a pas été rendue publique malgré nos demandes. Pourquoi ?
Pour notre part, nous publions parallèlement à cette réponse, sur www.data.gouv.fr  toutes les données prouvant notre affirmation centrale : le prix des médicaments PMF non remboursables est stable entre 2009 et 2013, il augmente moins vite que l’inflation. Nous montrons ainsi, avec une méthodologie éprouvée et des données publiques, que les médicaments PMF non remboursables ne voient pas leur prix augmenter plus vite que le coût de la vie. Autrement dit, les 400 millions de pouvoir d’achat à redistribuer tels qu’ils ont été localisés par l’IGF n’existent pas.
Nous avons hâte que l’IGF joue la carte de la transparence et présente clairement la méthodologie qu’elle a utilisée pour parvenir à ses conclusions. En l’absence de cette soumission à la vérification, les conclusions de l’IGF sur le pouvoir d’achat pharmaceutique sont nulles et non avenues.
Ajoutons que les études européennes démontrent que les médicaments dits « d’automédication » sont en France, parmi les moins chers d’Europe.


Le rapport est entaché par des erreurs dont le nombre et l’ampleur sont édifiants et oblige à se poser la question du sérieux du travail de l’IGF

Au-delà de ce problème majeur et absolument central sur le pouvoir d’achat à redonner aux français, c’est plus généralement toute l’annexe du rapport IGF qui est constamment entachée de données ou d’affirmations inexactes, de contradictions, d’études à la méthodologie non dévoilée, et aux panels non représentatifs.
 
Des choses qui, admettons-le, caractérisent un travail extrêmement limite s’agissant d’un corps d’élite de l’administration française. Il va falloir reprendre la copie.
Un exemple frappant : l’IGF indique dans son rapport, qui a été remis au gouvernement en mars 2013, que les médicaments non remboursables ont un taux de TVA de 5,5 % alors que la loi de finances rectificative pour 2011 avait porté ce taux à 7 %. Il faut être un peu négligent pour ne pas se souvenir de telles évolutions quand on est inspecteur des finances. Pas étonnant qu’on juge que les médicaments voient leur prix augmenter, si cela résulte d’une hausse de la TVA. Que les inspecteurs des finances sachent qu’ils pourront prendre conseil auprès de leur pharmacien s’ils ont des problèmes de concentration ou de mémoire.
Autre exemple : parmi les questions que l’Ordre se pose figure celle de la signification du « nombre d’unités légales ». En 2010, l’IGF indique 25.107 unités légales. Or en 2010, il y avait 22.386 officines. Cela fait quand même une différence de plus de 10% avec les chiffres utilisés par l’IGF. Heureusement que les pharmaciens ne se trompent pas de 10% dans les dosages des médicaments des Français.
Sur le point très spectaculaire des revenus des pharmaciens :  l’IGF indique que 5.504 entreprises sont imposées à l’IS (tableau 5, données fiscales sur les unités légales du secteur en 2010). Or, pour analyser les revenus des pharmaciens associés qui travaillent dans ces « unités légales », l’IGF indique qu’elle a analysé les dossiers fiscaux du «premier associé » de 22 pharmacies choisies aléatoirement dans les départements des Hauts-de-Seine et d’Indre-et-Loire. C’est sur la base de ces 22 pharmacies qu’elle a calculé des revenus médians des pharmaciens associés. Où les inspecteurs de l’IGF ont-ils appris les statistiques pour considérer qu’un échantillon de 22 est représentatif d’un groupe de 5.500 ?
L’IGF indique par ailleurs dans le rapport que la rentabilité moyenne des pharmacies en 2010 était proche de 7% et varie très peu en fonction du chiffre d’affaires (en 2010, le taux de rentabilité moyen de l’économie française était de 8%). Et indique que les revenus des pharmaciens sont très majoritairement issus de médicaments à prix fixés, prix par ailleurs en constante baisse. En 2012, un pharmacien titulaire sur quatre a un revenu inférieur à 39 000 euros brut annuels. Là encore, nous mettons l’IGF au défi d’entrer dans un exercice contradictoire.


La logique financière de l’IGF la rend inapte à comprendre le contexte dans lequel se déploie la profession de pharmacien, et rend ses recommandations dangereuses pour les Français

L’IGF ne voit aucun motif d’intérêt général majeur pour que la distribution des médicaments à prescription médicale facultative soit réservée aux pharmaciens. L’IGF indique : « Sur les PMF, le rôle de conseil et de prévention joué par le pharmacien n’apparait pas indispensable à la protection de la santé publique ».
 
Il faudra parler de cette vision avec les parents britanniques du tiers des 18/24 ans admettant une dépendance aux médicaments en vente libre (rappelons qu’en Grande Bretagne, par différence avec la France, on peut acheter en grande surface les médicaments à prescription médicale facultative).
Pour conduire il faut un permis, et respecter des règles, et en dépit de ces précautions 4 000 personnes décèdent chaque année sur les routes. L’usage inapproprié des médicaments provoque 12 000 décès et 120 000 hospitalisations par an dans le pays. Ces chiffres sont déjà énormes, et ne feraient qu’empirer si on autorisait la vente des médicaments dans le temple du commerce. Que chacun ait ces chiffres à l’esprit avant de libéraliser la vente des médicaments, que chacun prenne ses responsabilités à l’égard de ces chiffres de mortalité. Le médicament n’est pas un produit comme les autres.
L’IGF émet également le projet de libéraliser le capital des pharmacies dans le but de créer des chaînes de pharmacies, un peu comme il existe des chaînes de distribution. Les français n’en  veulent pas, car ils savent que les chaînes n’iront s’installer que dans les espaces les plus rentables. On peut s’étonner par ailleurs qu’un ministre toujours aussi soucieux du « produire français » nourrisse comme projet de livrer les 22.000 pharmacies libérales françaises aux appétits de mastodontes étrangers.